La nuit avait été dure, pour ne pas dire horrible. Transie de froid, l’esprit bien alerte à tous les bruits provenant tant de la jungle que de la plage, l’Irlandaise n’avait su se résoudre à fermer l’œil. Ses pensées étaient encore trop agitées pour espérer les voir se taire et elle ne pouvait s’empêcher de voir l’inquiétude poindre à nouveau, à l’aube de ce nouveau jour. Son époux était sûrement là, quelque part dans cette étendue d’eau beaucoup trop grande ou perdu sur un autre versant de ce qui semblait être leur salut. Quoique cette île était aussi belle qu’elle leur semblait hostile, les bruits parvenant de la jungle durant cette première nuit ayant été terribles, glaçant le sang pourtant chaud de la jolie blonde. Jolie… L’était-elle seulement encore ? Ses vêtements avaient séché durant la journée passée sur une plage où le soleil avait offert ses plus beaux rayons. Sa chemise était sale, son jean rêche à cause du sel. Elle sentait l’iode tandis que ses cheveux formaient déjà quelques paquets de mèches à cause de l’eau salé dans laquelle elle avait été baignée. Toute la journée, tous avaient cherché leurs proches avant de que ne se dessinent quelques prises de décisions. Alex y avait participé du mieux qu’elle l’avait pu, entrant directement en confrontation avec le leader tout dessiné de ce groupe de survivants. Mais elle ne l’acceptait pas.
Le ciel se teintait de couleurs rosâtres tandis que le soulagement se lisait autant que la fatigue sur les traits de tous ces survivants. Pourtant, dans leurs regards, elle lisait également l’animosité que provoquait la situation. Lequel attaquerait le premier les autres dans l’espoir de voir sa vie se rallonger ? Peut-être serait-ce elle ? Peut-être que le froid éprouvé la pousserait à commettre l’irréparable ? Ses yeux s’étaient posés sur les cadavres, postés à l’écart de la plage, les vêtements des morts lui faisant envie. N’y tenant plus, elle avait fini par s’avancer, par dépouiller ces morts, non sans respect, se contentant de leur enlever les pulls et gilets, ce qui pourrait leur tenir chaud à tous. « T’as pas honte ?! » L’appellation la força à se retourner, à faire face à un homme qui semblait visiblement scandalisé de son acte. « Ces gens sont morts. Aussi digne doivent-ils rester, on ne peut négliger les vivants. Si vous avez froid, servez-vous. » « Plutôt crever ! » Ainsi soit-il. Elle ne pourrait forcer personne mais d’autres se sentir capable d’agir maintenant que quelqu’un avait fait le premier pas, la rejoignant dans ce silence religieux, respectueux, choisissant les pièces les plus chaudes dans les premières lueurs du jour. Récupérant un sweat à capuche, elle l’enfila rapidement. Il était trop grand et empestait cette mort abyssale. Mais il lui tiendrait chaud.
D’autres vêtements dans les bras, elle arpenta la plage, s’approchant de ceux qui claquaient des dents, de ceux qui frissonnaient, leur offrant la possibilité de se couvrir davantage. Tous ne surent accepter, se rappelant trop bien la provenance de tels vêtements. D’autres fermèrent les yeux pour mieux hocher le chef. La nécessité appelait à faire des choses que l’on ne ferait pas dans d’autres circonstances. Alex l’avait compris, ses notions de sportives et les situations extrêmes qu’elle avait rencontré dans certaines compétitions nécessitaient l’acceptation du pire. S’approchant d’un duo de jeunes femmes, elle finit par engager la discussion. « Bonjour… Je… Vous avez froid ? J’ai récupéré ces vêtements chauds, si jamais vous souhaitez vous couvrir… »